Plans d’eau, étangs, mares

De quoi parle-t-on ?

Selon la définition du SANDRE, le terme de plan d’eau désigne « une étendue d’eau douce continentale de surface, libre stagnante, d’origine naturelle ou anthropique, de profondeur variable. Il peut posséder des caractéristiques de stratification thermique ».

Dans l’imaginaire collectif, une étendue d’eau est généralement synonyme de milieux naturels et sauvages, pourtant il n’existe que très peu d’étendues d’eau douce n’ayant pas été créées par la main de l’homme. La plupart des plans d’eau a donc été créé ou modifié par l’homme, et en France, il existe plus de 25 000 plans d’eau pour une surface totale de 623 000 ha, dont 352 000 ha en France métropolitaine.

Qu’en est-il sur le territoire du SMDMCA ?

A l’échelle du SMDMCA, les territoires les plus concernés par la problématique des plans d’eau sont le Ségala, le Limargue et les bassins de la Tourmente, de la Sourdoire et du Palsou. Il n’existe à ce jour pas d’inventaire exhaustif des plans d’eau sur le territoire du syndicat. La base de données TOPAGE (nouveau référentiel hydrographique français) référencie seulement 30 plans d’eau sur le territoire du SMDMCA, pour une superficie totale de 103 hectares, alors que les états des lieux des bassins versant révèlent un nombre bien plus important. A titre d’exemple, cette même base de données ne référencie aucun plan d’eau sur le bassin versant du Mamoul quand 15 plans d’eau ont été identifiés, et seulement 2 plans d’eau (5 ha) sur le bassin de la Tourmente, quand 41 plans d’eau (11,6 ha) ont été identifiés.

Etat des lieux des plans d’eau sur le bassin-versant du Mamoul

SMDMCA, 2021

Usages

Le terme plan d’eau recouvre un certain nombre de situations communément appelées lacs, retenues, étangs, gravières, carrières ou marais. Les définitions rattachées à ces différentes situations sont nombreuses et font souvent référence à des usages (alimentation en eau potable, industrie, extractions de granulats, irrigation, abreuvage, loisirs et sports aquatiques, baignade, énergie et hydroélectricité, activités aquacoles, pisciculture, pêche professionnelle, transports et soutien de navigation, sécurité des biens et des personnes, défense contre les crues, soutien d’étiage, stockage incendie).

Retenue créée par un barrage hydroélectrique sur le Cayla
Gravière pour l’extraction du granulat en lit majeur de la Dordogne
Plan d’eau d’agrément sur l’amont de la Bave

« Pourquoi la création de retenues collinaires n’est pas compatible avec les enjeux du changement climatique ? »

Face aux changements climatiques actuels et à venir, entrainant des épisodes de sécheresses intenses et des épisodes pluvieux de plus en plus intenses et épars, l’idée de stocker les eaux de pluies est de plus en plus prégnante. C’est en effet un levier d’action, parmi d’autres, qui se doit d’être mise en place, mais de façon réfléchie et raisonnée. Par exemple, la création de retenues collinaires ne doit pas être vue comme une solution efficace et pérenne, mais uniquement une solution de dernier recourt, inadaptée sur le long terme car aggravant une situation déjà précaire.

Tout d’abord, il est important de rappeler que la consommation d’eau « a augmenté dans le monde entier d’environ 1% par an depuis les années 1980, tirée par une combinaison de la croissance démographique, le développement socio-économique et l’évolution des modes de consommation. La demande mondiale de l’eau devrait continuer à augmenter au même rythme jusqu’en 2050, ce qui représente une augmentation de 20 à 30% au-dessus du niveau actuel d’utilisation de l’eau » (source : UNESCO, Rapport mondial sur l’eau 2019). A cela doit se rajouter la baisse attendue en France des débits des cours d’eau de l’ordre de 20 à 40% à l’horizon 2050 (source : Entente pour l’Eau du Bassin Adour Garonne).

Or, la meilleure façon d’économiser de l’eau reste encore de ne pas en avoir besoin. L’adaptation du monde agricole face aux changements climatiques doit d’abord passer par une recherche d’économie d’eau, et par l’accompagnement des exploitants que cela induit (changements de pratiques, remise en question de certains modèles d’exploitation, retour à une agriculture moins productiviste).

Ceci étant dit, la production agricole ne pourra jamais se passer complètement d’eau, et c’est pour cela que des solutions opérationnelles doivent être recherchées et mises en place (ex : récupération des eaux de pluie des bâtiment, micro-aspersion, rénovation des réseaux ASA, etc.). En revanche, la création de retenues collinaires bien que pouvant sembler simple et efficace, est une « fuite en avant » de par les impacts négatifs qu’elle entraine.

En effet, favoriser les retenues individuelles risquent d’entrainer l’émergence d’un maillage extrêmement dense, car il est probable que chaque exploitant souhaitera avoir sa (ou ses) retenue.s, par effet d’opportunisme. Le cas des grandes retenues partagées entrainerait également les mêmes conséquences, de façon proportionnellement plus importantes.

Les conséquences d’une retenue sont les suivantes :

  • Perte importante d’eau par évaporation
  • Dégradation de la qualité de l’eau : retenue = réacteur biogéochimique (l’augmentation de la sédimentation, l’immersion de la matière organique, le réchauffement estival et l’augmentation de la production primaire entraînent une baisse de l’02 et une émission de CO2, une augmentation du N2O et la production de cyanobactéries.)
  • Réduction significative des débits des cours d’eau et donc réduction des volumes prélevables pour l’AEP et l’irrigation en aval
  • Destruction de zones humides (directement ou via la zone d’alimentation)
  • Effets cumulés de plusieurs retenues sur un même bassin versant
  • Développement d’espèces indésirables ou exotiques envahissantes

Vous trouverez ci-après quelques chiffres et données issus du rapport Expertise scientifique collective sur l’impact cumulé des retenues, publié en 2016 par l’IRSTEA et l’INRA, et sollicitée par le ministère de l’Environnement, de l’Ecologie et de la mer et soutenue par l’ONEMA :

  • L’impact de réseaux de retenues sur l’hydrologie est démontré et quantifié dans toutes les études. Ces impacts se traduisent par une réduction du débit moyen, mais aussi des débits d’étiage, ainsi que de la variabilité annuelle des débits. Des impacts sur les nappes et les zones humides sont également relevés, et ces impacts se prolongent jusqu’aux estuaires et à la mer (augmentation du bouchon vaseux).
  • Valeurs de pertes par évaporation, mesurés ou estimés à 3 à 5 ou 6 mm/m²/jour, voire 9 mm/m²/jour, sur des périodes pouvant dépasser 100 jours, et représenter 1300 à 1400 mm/m²/an.
  • La valeur de 40% de perte par évaporation des flux entrants est souvent citée.
  • Des études menées sur les débits d’étiage montrent un effet significatif sur ces débits, avec des réductions maximums reportées de 60 % pour les débits d’étiage.
  • La création de retenues collinaires possède un effet pervers qui est le changement d’occupation des sols autour de ces retenues. En effet, l’implantation de retenues contribue à une évolution de l’occupation du sol et des pratiques culturales associées, et il existe visiblement des effets d’héritage, c’est-à-dire que la disparition des retenues n’implique pas nécessairement la disparition immédiate de leurs impacts, qui semblent au contraire pouvoir perdurer parfois plusieurs décennies voire siècles.
  • Les petites retenues constituent par leur multiplicité des capacités de stockage conséquentes, et leur volume à l’échelle planétaire est du même ordre de grandeur que celles des grands barrages.
  • En France, environs 33 milliards de m3 sont stockés, et seulement 11 milliards sont consommés.
  • En France, les prélèvements ont doublé en 50 ans.
  • La sécheresse anthropique (sécheresse naturelle amplifiée par les activités humaines) a augmenté de 27% à l’échelle du globe et de 20% en Europe.

Ceci étant dit, il est néanmoins important d’apporter une solution alternative : la préservation et la restauration des zones humides. Cette solution fondée sur la nature est pérenne, plus efficace, plus avantageuse, et surtout peu coûteuse au regard des sommes nécessaires à la création d’une retenue collinaire. Par exemple, le coût est 5 fois moins important pour protéger les zones humides que pour compenser la perte des services qu’elles nous rendent gratuitement (source : Commissariat général au développement durable – 2011).

En effet, de par sa fonction de régulation hydrologique, 1m² de zone humide peut stocker entre 500 litres et 1m3 d’eau (source : Convention Ramsar – 1971). Cette eau est stockée en période hivernale et durant les épisodes pluvieux (effet de réduction des crues) de façon efficace, contrairement à une retenue qui sera complètement transparente en période hivernale, car déjà à son niveau de remplissage maximum. Durant sa période de séjour au sein de la zone humide, cette eau sera auto-épurée (sédimentation, dénitrification, minéralisation de la matière organique) par les fonctions biogéochimiques de la zone humide, contrairement à une retenue qui aura tendance à dégrader la qualité de l’eau par réchauffement et eutrophisation. Enfin, en période estivale la zone humide va pouvoir relarguer progressivement cette eau, pour alimenter un cours d’eau (soutien d’étiage) avec une eau fraiche et de bonne qualité.

C’est grâce à ce rôle de soutien d’étiage éprouvé depuis des millions d’années que les zones humides fournissent une solution naturelle, gratuite et durable. En effet, un maillage de zones humides en bon état en tête de bassins versants et dans les plaines permet de soutenir un débit suffisant aux cours d’eau principaux, et ainsi pérenniser leurs différents usages (eau potable, irrigation, baignade, loisirs, etc.).

Comment peut agir le SMDMCA sur les plans d’eau ?

Dans le cadre de ses nouveaux PPG, le SMDMCA envisage des actions de limitation de l’impact des plans d’eau sur les milieux aquatiques :

  • Première étape : étudier l’impact des plans d’eau présents sur le bassin et cibler plus précisément les problématiques associées.
  • Seconde étape : proposer un accompagnement technique et financier aux propriétaires désireux de mettre en place des actions d’aménagement et de gestion de ces plans d’eau. Les aménagements peuvent consister en la mise en place d’un ouvrage de restitution adapté, en sa mise en dérivation ou en son effacement.

Par ailleurs, le SMDMCA réalise des actions de lutte contre les espèces invasives.

Avant travaux

Exemple d’effacement des 3 plans d’eau de M. Jacky AYROLES à Aynac

Après travaux

Attention aux introductions d’espèces !

Dans un point d’eau naturel (mares, lacs de Saint-Namphaise), tous les organismes vivants sont soumis à la même loi : manger et être mangé. Comme dans tout écosystème, il en résulte la constitution d’une chaîne alimentaire, cycle en perpétuel recommencement. Sans aucune intervention, ces cycles fonctionnent bien. Cependant, toute intervention extérieure (introduction de poissons par exemple) déséquilibre l’écosystème.

La biodiversité des mares

Les poissons sont toujours introduits par l’Homme, celui-ci croyant bien faire pourtant et pour diverses raisons : pour la pêche, comme espèces d’ornement, pour détruire algues et moustiques. On trouve toutes sortes d’espèces allant du poisson rouge aux gardons en passant par les carpes, les perches soleil, les poissons chat ou les gambusies.

Les poissons causent beaucoup de dégâts, notamment sur les populations d’amphibiens et d’insectes aquatiques mais également sur les végétations aquatiques.

Bien sûr, ce ne sont pas les seuls qui sont introduits et qui perturbent les milieux aquatiques. On peut citer les Tortues de Floride, les Ecrevisses américaines pour les espèces animales aquatiques et les Jussies et Elodées comme autres exemples pour les espèces végétales aquatiques.

Le message à faire passer est qu’il ne faut surtout pas relâcher ni d’animaux ni de plantes dans une mare ou tout autre point d’eau !

Le Parc Naturel Régional des Causses du Quercy a élaboré une campagne d’information et de préservation/restauration des mares sur son territoire. Les documents sont consultables sur leur site internet.

Vous y trouverez des illustrations très sympathiques et des informations complémentaires.

Pour en savoir plus : https://www.eaufrance.fr/les-introductions-despeces-potentiellement-invasives